Un taux élevé en acide urique est associé à un risque accru de développer une fibrillation atriale, même chez les personnes qui ne présentent pas les facteurs de risque cardiovasculaire habituels, révèle une large étude suédoise. Ces travaux viennent confirmer un peu plus le rôle de l’acide urique dans l’apparition de maladies cardiovasculaires et son potentiel intérêt dans une approche préventive.
Il s’agirait de la première étude à démontrer qu’un niveau d’acide urique élevé augmente le risque de fibrillation atriale (FA) chez des personnes qui ne présentent pas d’hypertension, de diabète, de maladie coronarienne ou d’insuffisance cardiaque, des facteurs habituellement associés à l’apparition d’une l’arythmie. En plus d’agir à travers les facteurs de risque cardiovasculaire, un acide urique élevé « peut avoir une influence directe sur l’apparition d’une fibrillation atriale par le biais d’autres mécanismes », soulignent les chercheurs, qui suggèrent le rôle potentiel de l’inflammation et du stress oxydatif provoqués par la hausse de l’acide urique.
L’acide urique est issu de la décomposition des purines, des constituants des acides nucléiques retrouvés également en quantité importante dans l’alcool (en particulier la bière), les abats, les gibiers et dans les fromages fermentés, ainsi que dans certains poissons (anchois, sardines…) et fruits de mer (pétoncles, moules..). Définie par un taux d’acide urique > 420 µmol/L chez l’homme et > 350 µmol/L chez la femme, l’hyperuricémie est un syndrome métabolique responsable notamment de la goutte, par la formation de cristaux dans les articulations, et de calculs rénaux.
Plusieurs études ont également montré que l’élévation de l’acide urique dans le sang est associée à un risque accru d’hypertension artérielle, de diabète et de morbidité cardiovasculaire. De nombreux patients souffrant de goutte présentent une obésité, une hypertension artérielle ou une athérosclérose. Concernant le risque d’arythmie, de récents travaux ont suggéré une corrélation avec le niveau d’acide urique, mais les données sont limitées, en particulier chez les individus jeunes et en bonne santé, précisent les chercheurs.
Dans l’étude, le Dr Mozhu Ding (Karolinska Institutet's Institute of Environmental Medicine, Stockholm, Suède) et ses collègues ont repris les données de 339 604 volontaires en bonne santé issues de la cohorte suédoise AMORIS. Les individus devaient être âgés de 30 à 60 ans et ne pas souffrir de maladie cardiovasculaire lors de l’inclusion. Ils ont été suivis en moyenne pendant 26 ans. Les participants ont été répartis en quatre groupes, selon le niveau d’acide urique mesuré au début de l’inclusion (quartiles).
Au cours du suivi, 46 516 cas de FA ont été enregistrés dans cette population. Les résultats montrent que ceux du quatrième quartile avec les niveaux les plus élevés (≥ 362 μmol/L chez l'homme et ≥ 274 μmol/L chez la femme) ont un risque de FA accru de 45% par rapport à ceux du premier quartile avec les niveaux les plus faibles (≤ 282 μmol/L pour les hommes et ≤ 205 μmol/L pour les femmes). Le risque de FA augmente à mesure que le niveau d’acide urique s’accroit, y compris chez ceux qui n’ont pas développé d’hypertension artérielle, de diabète, de maladie coronarienne ou d’insuffisance cardiaque. L’incidence des arythmies apparait toutefois nettement plus importante chez ceux qui ont ces pathologies comparativement à ceux qui n’en ont pas, qu’importe le taux d’acide urique.
« Les personnes ayant des niveaux élevés en acide urique peuvent bénéficier d’examens cardiovasculaires réguliers pour faciliter le diagnostic précoce d’une fibrillation atriale », estime la Dr Ding. D’autres études devront être menées pour comprendre les mécanismes en jeu, mais aussi pour déterminer si une stratégie visant à réduire le niveau d’acide urique, en supprimant notamment les apports en aliments riches en purines, pourraient être une approche pertinente dans la prévention du risque de FA.
Cet article a été écrit par Vincent Richeux et initialement publié sur Mediquality.