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Selon une étude américaine conduite auprès d’un large échantillon d’adultes représentatifs de la population générale américaine, les femmes ont 1,78 fois plus de risque que les hommes de déclarer avoir fait une tentative de suicide au cours de leur vie, ce qui se vérifie
également en France . -
Les facteurs de risque associés à un antécédent de tentative de suicide sont quasiment tous les mêmes entre les deux genres, mais l'ampleur de l'association est parfois différente entre eux pour un même facteur de risque. Le fait de présenter certains troubles psychiatriques (dépression, psychose,…) a par exemple un impact moindre sur le risque de tentative de suicide chez les femmes par rapport aux hommes, alors que les femmes ayant déjà été incarcérées ou ayant vécu un évènement traumatique sont plus exposées au risque.
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Pris globalement, ces facteurs n'expliquent que partiellement la différence de risque de tentative au cours de la vie, suggérant l’existence d’autres paramètres que ceux étudiés dans ce travail (soit les paramètres sociodémographiques et 42 comorbidités psychiatriques, médicales et paramètres comportementaux).
Pourquoi c’est important ?
Il est épidémiologiquement décrit que les femmes sont plus nombreuses à faire des tentatives de suicide tandis que les hommes décèdent plus souvent de suicide qu’elles. Cette contradiction repose sans doute sur différents facteurs, notamment la prévalence de comorbidités psychiatriques et les méthodes employées pour attenter à ses jours qui sont différentes pour les deux genres. Mais aucune étude ne s’est véritablement penchée sur la comparaison la plus exhaustive possible des facteurs de risque associés à chacun des genres. Cette étude avait donc pour objectif de combler cette lacune.
Méthodologie
Ce travail a été conduit à partir de la troisième vague de l'enquête américaine NESARC-III, une enquête transversale menée auprès d'adultes non institutionnalisés représentatifs de la population générale afin de de recueillir des informations sur la consommation d’alcool et sur les troubles liés à la consommation de substances ainsi que leurs conséquences. Cette analyse n’a inclus que les sujets qui avaient répondu à la question demandant s’ils avaient déjà tenté de se suicider (n=36.171, représentatifs de 234.473.328 adultes à l'échelle nationale).
Principaux résultats
Au total, 1.995 (5,5%) des 36.171 participants de l’enquête avaient déclaré avoir déjà fait une ou plusieurs tentatives de suicide, parmi lesquels on comptait 1.376 femmes. Le taux de réponse positive était ainsi de 6,8% chez les femmes et 3,9% chez les hommes. Aussi, selon l’analyse avant ajustement, les femmes avaient 1,78 [1,61-1,96] fois plus de risques que les hommes de faire des tentatives de suicide au cours de leur vie.
L’analyse sociodémographique a montré que les femmes étaient moins exposées aux tentatives de suicide que les hommes si elles n’avaient jamais été mariées, si elles étaient séparées, divorcées ou veuves et, dans une moindre mesure, si elles avaient un revenu inférieur à 40.000$.
L’étude a ensuite évalué l’influence de 42 comorbidités psychiatriques, médicales et paramètres comportementaux : elle a évalué statistiquement le risque de tentative de suicide associé en fonction du sexe, du fait d’être exposé ou non à ce paramètre, et en fonction de la combinaison des deux. Le fait d’être exposé à la plupart de ces facteurs était aussi associé à un risque accru par rapport au fait de ne pas y être exposé, chez les hommes comme chez les femmes. Par ailleurs, le risque pour une même comorbidité était plus élevé pour les femmes que les hommes, notamment pour les troubles anxieux généralisés, la dysthymie, les troubles paniques, les troubles de la personnalité et les psychoses et schizophrénie.
La combinaison des deux (le fait d’être une femme et d’être exposée) ne conduisait pas à des différences significatives pour la plupart de ces déterminants par rapport aux hommes, sauf pour certaines d’entre elles : d’une part, l’existence de différents troubles psychiatriques (troubles de la personnalité borderline, de psychose, dépression, dysthymie, troubles anxieux) conduisait à un moindre risque de tentative de suicide pour les femmes. De même, les antécédents parentaux de consommation de drogues ou de tentative de suicide diminuait le risque de tentative de suicide chez les femmes, alors que les antécédents d’incarcération ou d’évènements traumatiques augmentaient leur risque.
Ces facteurs n'expliquent que partiellement la différence de risque de tentative au cours de la vie puisqu'après ajustement sur l'ensemble des paramètres significatifs, l'odds ratio reste supérieur chez les femmes (ORa 1,53 [1,12-2,08]) suggérant l’existence d’autres paramètres non étudiés ici