Le sujet est controversé : certaines études plaident pour l’utilisation des inhibiteurs de points de contrôles immunitaires chez des patient avec un Covid-19, d'autres y voient par contre un facteur d'aggravation de l'inflammation. Que faut-il en penser ? La réponse dans cette l'étude qui présente cette originalité de s'intéresser à l'immunité cellulaire T en plus de la simple évaluation de l'immunité humorale B via les anticorps anti-SARS-CoV-2.
Les inhibiteurs de points de contrôles immunitaires (ICI) sont capables de restaurer l'immunité. Ils ont été utilisés avec succès dans plusieurs cancers dont notamment le mélanome métastatique. Sur cette base, certains ont émis l’hypothèse qu’ils pourraient être utilisés dans un contexte de paralysie immunitaire au décours d'un sepsis sévère ou dans des situations d'épuisement immunitaire au cours d'infections virales chroniques. Dans le cas du SARS-CoV-2, plusieurs études ont suggéré que la baisse d'immunité en lien avec une anergie et/ou une déplétion des lymphocytes T, serait partiellement responsable de la virulence. D'où l'idée pour certains de faire des anti-PD1, une stratégie de restauration de l'immunité décriée par d'autres qui y voient plutôt un risque d'augmenter l'inflammation.
Immunité B et T
La cohorte prospective (1) constituée entre mars et juin 2020, a inclus 292 patients atteints de mélanome, dont la moitié était traitée par un anti-PD1 ± un anti-CTLA4. Un test PCR était réalisé chez les patients présentant des symptômes de Covid-19. Une sérologie SARS-CoV-2 était systématiquement demandée. Une analyse transcriptionnelle (Nanostring), protéomique (SIMOA, Luminex) et cellulaire (cytométrie) a été réalisée chez les patients présentant une infection symptomatique active (< 21 jours à partir du début des symptômes, PCR+) ou convalescente (> 21 jours à partir du début des symptômes, PCR négative, sérologie positive) pour évaluer la réponse cellulaire T. Quinze patients atteints de COVID-19 ont été sélectionnés (infection active ou convalescente). Quatre patients sur 15 ont nécessité une hospitalisation (26,7%).
Pas d'effet sur l'immunité B mais …
Les données cliniques ne montrent pas d'éléments en faveur d'une forme plus sévère de Covid-19 lors d'un traitement par anti-PD1. Un seul patient avec une leucémie lymphoïde chronique, a développé une forme sévère de Covid-19 et est décédé de défaillance respiratoire. La réponse immunitaire innée est similaire chez les patients traités par ICI et chez les patients non traités par ICI. Les taux d'anticorps anti-Spike (IgG et IgA), l'activité neutralisante et la longévité des anticorps (suivi du taux pendant 12 mois) sont similaires dans les 2 groupes. En revanche, l'analyse de la réponse cellulaire montre chez les patients traités par immunothérapie, une expansion de la population de lymphocytes T CD8+ effecteurs mémoires, une augmentation de l'activation des lymphocytes T CD4+ et CD8+ et une augmentation de la production d'IFN-gamma lors d'une stimulation ex-vivo par des peptides du SARS-CoV-2.
Vers un renforcement de l'immunité T
Ces données sont plutôt en faveur de l'utilisation des ICI chez des patients avec un mélanome et un Covid-19. Au-delà de la réponse humorale, c'est l'immunité cellulaire T qui en sort grandie sans exacerbation de la réponse inflammatoire. C'est une conclusion très préliminaire sur un petit nombre de patients qu'il faudra étayer par des études de plus grande importance en incluant aussi des marqueurs de l'inflammation et une mesure de la réponse cytokinique.
Cet article a été écrit par le Dr Claude Biéva, et initialement publié sur le site internet MediQuality.