Le 18 novembre 2021 était la journée européenne d’information sur l’antibiorésistance. L’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) et la DREES (Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques) ont saisi l’occasion pour présenter un état des lieux du problème en santé animale et humaine.
Une tendance continue à la baisse de l’antibiorésistance en santé animale
Chez les animaux d’élevage, Gérard Moulin, directeur adjoint de l’Agence nationale du médicament vétérinaire, explique que « l’exposition globale aux antibiotiques a légèrement diminué par rapport à 2019, ce qui est dans la continuité de la tendance observée depuis le début du suivi. L’exposition à la colistine, un antibiotique utilisé fréquemment en médecine vétérinaire et réservé aux cas sévères en médecine humaine a diminué de 66% par rapport au niveau de référence de 2014-2015 pour les filières bovine, porcine et avicole. L’objectif de réduction de moitié qui avait été fixé par le plan Ecoantibio 2 est donc atteint. » Agnès Perrin-Guyomard, responsable adjointe du Laboratoire national de référence sur la résistance antimicrobienne, précise que « globalement, les tendances vont vers une réduction de la résistance. » Ainsi, « la proportion de souches E. coli (qui est une espèce indicatrice de la diffusion de l’antibiorésistance) sensibles à tous les antibiotiques testés est en augmentation dans toutes les populations animales surveillées, à l’exception du porc. Enfin, la prévalence des E. coli résistantes aux céphalosporines est en diminution constante dans toutes les situations et les espèces animales surveillées. »
Médecine de ville : crainte des complications et pressions des patients
En santé humaine, l’antibiorésistance reste un problème majeur. Cependant, l’épidémie de Covid-19 a fait reculer de près de 20% la consommation d’antibiotiques en ville, c’est-à-dire dans une proportion équivalente à la réduction obtenue entre 2009 et 2019. Ce résultat est notamment dû à la diminution de l’incidence de certaines infections courantes et à la mise en place des mesures barrières.
Depuis 2013, il est observé en France une tendance à la baisse des consommations d’antibiotiques et de certaines résistances bactériennes, d’autant plus importante chez les populations jeunes. Fait encourageant : ce sont les prescriptions initiées par les médecins généralistes qui ont le plus diminué (de 18% par rapport à ce qui était attendu en 2020), sachant que 70% des antibiotiques sont prescrits par ces praticiens.
« L’évolution des pourcentages de résistance aux céphalosporines de 3e génération et aux fluoroquinolones chez les isolats urinaires d’Escherichia coli montre une baisse entre 2015 et 2018 et une stabilisation en 2019, avec d’importantes différences régionales, » constate la Pr Céline Pulcini (Cheffe de la Mission ministérielle « Prévention des Infections et de l’Antibiorésistance », ministère des Solidarités et de la Santé). Cependant, elle précise que les « quelques évolutions favorables » sont fragiles. Ainsi, « le nombre de souches reçues par les Centres nationaux de référence et la proportion d’entérobactéries productrices de carbapénémase n’ont cessé d’augmenter depuis 2012, avec une hausse continue de la prévalence des métallo-bêta-lactamases et une dissémination préoccupante des carbapénémases au sein des entérobactéries. »
Elle rappelle qu’environ la moitié des prescriptions d’antibiotiques sont inutiles ou inappropriées (du fait du choix de l’antibiotique ou de la durée du traitement). Une enquête conduite auprès de médecins généralistes et pédiatres de ville a cherché à en comprendre les raisons. Les praticiens se sentent « peu outillés et aidés dans la lutte contre l’antibiorésistance » et ils pensent que « leur marge de manœuvre est faible », du fait de la crainte des complications et de la pression de certains patients, souvent ceux âgés et atteints de polypathologies. Ils déplorent le manque d’information du grand public et d’outils pratiques pour adapter leurs prescriptions.
C’est pourquoi les bons résultats obtenus pendant la pandémie, et observés dans toute l’Europe, ne sont pas obligatoirement appelés à durer.