Il semblerait que la vague de COVID-19 qui a déferlé sur l'Île-de-France ait chassé les patients souffrant d’AVC de l’hôpital. C’est le constat qu’a fait le Dr Bertrand Lapergue, chef du service de Neurologie de l’hôpital Foch à Suresnes, qui a vu fondre le nombre de patients AVC de son service (également centre de recours pour les AVC) dès la mi-mars. Prenant parmi d’autres l’exemple d’un patient de 70 ans diabétique ayant présenté un déficit moteur de l’hémicorps gauche, avec un trouble du langage, une dysarthrie et des céphalées en début d’après-midi, il explique que celui-ci ne s’est pas rendu à l’hôpital et n’a pas appelé tout de suite les secours « par crainte d’être infecté par le SARS-Cov-2 et pour ne pas « déranger » les services d’urgence qu’il savait saturés ». Le patient s’est aggravé et il est finalement arrivé à dans le service un peu plus tard avec une hémiplégie complète.
Une baisse de 21% des admissions pour thrombectomie dans les centres français
L’exemple de ce patient pris en charge à l’hôpital Foch n’est visiblement pas un cas isolé. Le Dr Grégoire Boulouis de l’hôpital Sainte Anne, en collaboration avec différents réseaux de surveillance d’activité (réseau national ETIS, SFNR, JENI-RC), a comparé les volumes de prise en charge des AVC les plus graves par thrombectomie au sein de 32 centres français durant la pandémie, à ceux observés durant la même période l’année précédente (1). Les résultats sont accablants : une baisse de 21% des thrombectomies mécaniques a été observée durant la pandémie et le délai entre la survenue des premiers symptômes et l’arrivée à l’hôpital s’est allongé. Ces résultats ont pu être corrélés négativement au nombre d’hospitalisations pour COVID-19 durant cette même période. Ce constat alarmant a amené la Société Française de Cardiologie et la Société Française Neurovasculaire a émettre un communiqué de presse incitant les patients à ne pas négliger leurs symptômes et à appeler leur médecin, expliquant également que le SAMU avait été renforcé pour prendre en charge « toutes les urgences » (2).
Des comportements similaires retrouvés aux États-Unis
En utilisant pour indicateur le recours aux outils d’imagerie utilisés en routine pour le diagnostic et la prise en charge des AVC les plus sévères dans les centres américains, une diminution de 39% de l’activité a été observée lors de l’arrivée de l’épidémie (3). Ces observations font craindre aujourd’hui une deuxième vague non-COVID-19 de patients qui n’auront pas été pris en charge correctement, avec des pathologies plus avancées et davantage de complications. « Il faut que les patients reviennent à l’hôpital pour être pris en charge, en particulier pour l’AVC » a martelé Bertrand Lapergue, « nous devons leur expliquer que les hôpitaux sont maintenant organisés et peuvent accueillir les patients non-COVID ».