L’usage d'un téléphone portable pour passer ou recevoir des appels est associé à un risque accru de développer une hypertension dès 30 minutes d’utilisation par semaine, selon une vaste étude d'observation utilisant les données de la UK Biobank [ 1].
Ce surrisque atteindrait 25% au-delà de 6 heures d’utilisation par semaine par rapport à un temps d'utilisation hebdomadaire de moins de 5 minutes.
Les chercheurs précisent toutefois que ces résultats sont purement "générateurs d'hypothèses" et qu'ils doivent être confirmés.
Des experts n'ayant pas participé à l'étude ont également appelé à la prudence dans l'interprétation des résultats.
« Cette étude ne doit pas être considérée comme une base pour recommander de réduire le temps passé à téléphoner avec un téléphone portable afin d'éviter l'hypertension », a déclaré Matthew Tomey, cardiologue à l'Icahn School of Medicine at Mount Sinai à New York, au site theheart.org | Medscape Cardiology.
« L'étude est rétrospective et, comme toutes les études rétrospectives, il existe un risque énorme de variables confondantes non mesurées », a déclaré le Dr Mark Estes III, ancien président du comité de publication scientifique de l'American Heart Association et du Conseil de cardiologie clinique, à theheart.org | Medscape Cardiology.
« Il n'est pas nécessaire à ce stade, sur la base des données disponibles, de limiter l'utilisation du téléphone portable parce qu'elle pourrait entraîner une fréquence plus élevée d'hypertension », a déclaré le Dr Estes, professeur de médecine, division de cardiologie, université de Pittsburgh, Pennsylvanie.
L'étude a été publiée en ligne le 4 mai dans European Heart Journal - Digital Health[ 1] .
Énergie de radiofréquence
Les téléphones portables émettent de faibles niveaux d'énergie de radiofréquence, qui ont été associés à une augmentation de la pression artérielle après une exposition de courte durée. Cependant, les liens potentiels entre l'utilisation du téléphone portable pour passer et recevoir des appels et le risque d'hypertension nouvelle restent incertains, notent les auteurs de l'étude.
Pour étudier la question, Xianhui Qin, MD, PhD, Southern Medical University, Guangzhou, Chine, et ses collègues ont évalué les données de 212 046 adultes (âge moyen, 54 ans ; 62% de femmes) de la UK Biobank sans antécédents d'hypertension.
Des informations sur l'utilisation du téléphone portable pour passer et recevoir des appels ont été recueillies à l'aide d'un questionnaire autodéclaré au départ, portant notamment sur les années d'utilisation, le nombre d'heures par semaine et l'utilisation d'un dispositif mains libres ou d'un haut-parleur.
La grande majorité (88 %) des participants étaient des utilisateurs de téléphones portables, définis comme utilisant un téléphone portable au moins une fois par semaine.
Au cours d'un suivi médian de 12 ans, 13 984 (7 %) participants ont développé une nouvelle hypertension.
Après ajustement en fonction de multiples facteurs confondants, les utilisateurs de téléphones portables présentaient un risque 7 % plus élevé de développer une hypertension (rapport de risque [HR] 1,07 ; IC à 95 %, 1,01 - 1,12 ; P = .018), par rapport aux non-utilisateurs.
Parmi les utilisateurs de téléphones portables, par comparaison à ceux qui font un usage hebdomadaire de leur téléphone de moins de 5 min, le risque d'apparition d'une hypertension est significativement plus élevé chez ceux qui l'utilisent pendant 30 minutes à plus de 6 heures par semaine. Les résultats étaient similaires chez les femmes et les hommes.
Risque en fonction de l’usage du téléphone
Les adultes présentant un risque génétique élevé d'hypertension et passant plus de 30 minutes sur leur téléphone portable étaient 33 % plus susceptibles de développer une hypertension (HR, 1,33 ; [IC à 95 %, 1,24 - 1,43]) que leurs pairs présentant un faible risque génétique et passant plus de 30 minutes par semaine sur leur téléphone.
Le nombre d'années d'utilisation du téléphone portable et l'utilisation d'un dispositif mains libres ou d'un téléphone à haut-parleur n'étaient pas significativement liés à l'apparition de l'hypertension.
Mises en garde et précautions
Les chercheurs rappellent que la UK Biobank ne contient pas de données sur le type de technologie de téléphonie mobile utilisée, ni sur d'autres sources d'ondes électromagnétiques.
Une autre limite est que la population étudiée est principalement composée d'adultes blancs d'âge moyen ou d'adultes blancs plus âgés et en meilleure santé que la population générale du Royaume-Uni. Une troisième limite est que les informations sur l'utilisation du téléphone portable ont été évaluées une seule fois au début de l'étude et que l'utilisation a pu changer au fil du temps.
Le professeur Tomey a souligné que l'étude n'était pas conçue pour établir un lien de cause à effet et a déclaré que les mécanismes postulés pour un lien biologique entre l'utilisation du téléphone portable pour passer des appels et l'hypertension « restent spéculatifs ».
« Parmi les utilisateurs de téléphones portables, il y avait des différences significatives dans presque toutes les covariables mesurées rapportées dans les caractéristiques de base, ce qui renforce encore la nécessité d'être prudent dans l'attribution des différences apparentes d'hypertension à l'utilisation des téléphones portables pour passer des appels », a déclaré le Pr Tomey à theheart.org | Medscape Cardiology.
Néanmoins, « nous devrions absolument réfléchir à l'impact de l'utilisation des appareils mobiles sur notre santé, pas simplement à l'impact des champs électromagnétiques de radiofréquence, mais plus profondément (et insidieusement) aux effets de l'utilisation des appareils et de la consommation des médias sur nos attitudes, nos habitudes et notre bien-être psychosocial », a déclaré M. Tomey.
Le Dr Estes encourage les médecins à considérer cette étude comme « une occasion de discuter avec leurs patients de l'hypertension en général et de l'importance d'un régime pauvre en sel, d'une activité physique régulière, d'une consommation limitée d'alcool, du maintien d'un poids santé, de la diminution du stress, de l'arrêt du tabac et, surtout, de la surveillance de la pression artérielle par soi-même et de la collaboration avec l'équipe soignante ».
L'étude a bénéficié du soutien du National Key Research and Development Program et de la National Natural Science Foundation of China. Qin, Tomey et Estes ne font état d'aucune relation financière pertinente.
Cet article a été écrit par Megan Brooks et initialement publié sur Medscape.com puis traduit/adapté par Stéphanie Lavaud pour Medscape France.