Les premiers mois de la vie du nourrisson constituent un moment crucial dans le développement des allergies alimentaires et représentent donc une fenêtre d’action clé pour prévenir leur développement. Des pédiatres-allergologues francophones viennent de publier une revue de la littérature concernant les facteurs de risque identifiés dans le développement de ces allergies et proposent un arbre décisionnel décrivant la population cible et l’attitude à adopter afin de proposer la prévention primaire et secondaire la plus efficace possible.
En préambule, leur texte rappelle que l'incidence de l'anaphylaxie liée à des allergènes alimentaires a augmenté au cours des 30 dernières années, dans la plupart des pays occidentaux, et notamment parmi les enfants. En France, les données les plus récentes, issues de la large cohorte Elfe en 2011, évoquent une prévalence des allergies alimentaires de 6% chez les enfants âgés de 6 ans dont 20% d'allergies multiples. Les allergènes les plus souvent impliqués dans les manifestations anaphylactiques sont l'arachide dans un quart des cas, puis la noix de cajou (13,7%) et le lait (8,9%). Il rappelle aussi que le risque atopique est clairement influencé par les antécédents familiaux (parents, fratrie) : ainsi, 30% des nouveau-nés ont au moins un antécédent familial d'atopie ; leur risque de développer une atopie est doublé par rapport aux enfants sans antécédents et quadruplé si les deux parents sont atopiques. Pour autant, la prévention primaire visant à éviter l'apparition d'une sensibilisation respiratoire et/ou alimentaire ne peut être limitée aux enfants à risque car près d’un sur deux n’a pas d’antécédents. Aussi, les pédiatres-allergologues proposent une prévention systématique dès la naissance pour tous les nouveau-nés.
Principaux éléments de prévention
Les grandes lignes de la prévention préconisée, qui sont développées dans le texte de recommandation, peuvent être schématisées ainsi :
- Chez le nouveau-né, de 0 à 4 mois, l'allaitement maternel doit être promu dans toutes les familles, quel que soit le risque atopique de l’enfant à naître.
Lorsque un allaitement exclusif est envisagé, il ne faut pas envisager d’apport en suppléments de lait maternisé durant le séjour à la maternité. Lorsque le nourrisson a un risque atopique, il est intéressant de discuter avec la famille de l'introduction précoce de lait de vache avant le début de la diversification alimentaire, en petite quantité (10 mL de lait maternisé standard à la cuillère ou à la seringue). Et si un supplément est nécessaire, il faut privilégier des préparations à base d'hydrolysats avancés de protéines de vache ou de riz.
Si l’allaitement envisagé est mixte, il faut introduire le lait infantile dès les premières semaines, en complément de l’allaitement, en évitant les laits hypoallergéniques dont la preuve d’efficacité n’a pas été apportée.
Parallèlement, un traitement de la dermatite atopique (DA) potentiellement associée est nécessaire (émollients, dermocorticoïdes…) afin de restaurer la barrière cutanée, des études ayant décrit l’association entre DA et risque d’allergie alimentaire (AA). Des études anglo-saxonnes ont par exemple bien décrit les liens entre contact cutané avec l’arachide et le risque d’AA. Dans la pratique, il est indispensable d’éviter les cosmétiques/émollients à base de protéines alimentaires.
- À partir du 4e mois et jusqu’au 6e mois, la diversification alimentaire doit être initiée chez tous les enfants, atopiques ou non. Si aucune AA ou DA sévère n’a pour l’heure été observée, il est recommandé d'introduire de façon progressive et non simultanée des produits contenant des œufs (idéalement via les boudoirs pour enfants avant d’envisager l’oeuf dur), de l’arachide ou des fruits à coque à raison de 2 g/semaine de protéines correspondantes.
En revanche, si l'enfant a déjà un antécédent de ce type, l’introduction des aliments doit être précédée par un prick test spécifique, réalisé en consultation. En cas de résultat négatif, l’introduction décrite ci-dessus peut être conduite à domicile, sinon le sujet doit être discuté avec le pédiatre allergologue.
Quelques éléments de prévention complémentaires
Le texte insiste aussi sur l'importance de la théorie hygiéniste et du microbiote intestinal dans le développement des nouvelles allergies. L’environnement (habitat rural, alimentation variée précoce…) influence ainsi ce risque, la diversité de l'exposition microbienne en période périnatale jouant un rôle crucial dans la stimulation de l’immunité de type T1. Les traitements précoces - notamment néonataux - par antibiothérapie ou par anti-acides, les naissances par césarienne peuvent de leur côté influencer le bon développement du microbiote intestinal, qui lui-même est déterminant pour le développement de l’immunité. Aussi, ces paramètres constituent des éléments de prévention importants à prendre en compte dans les pratiques cliniques de routine.
Les familles doivent aussi être informées de la nécessité de ne pas utiliser des cosmétiques à base de protéines alimentaires pour les enfants et de se laver les mains après avoir manipulé de l'arachide et/ou des noix avant de toucher le nourrisson.