À retenir
L’état des lieux tiré de la cohorte prospective CKD-REIN offre un bilan des pratiques actuelles autour des patients atteints de maladie rénale chronique. Il montre que celles-ci sont en deçà des recommandations, que ce soit en termes de suivi spécialisé, biologique ou diététique. Il constitue dans tous les cas un bilan important pour évaluer l’efficacité des prochains forfaits de soins prévus par le plan national Ma santé 2022.
Le plan national Ma santé 2022 prévoit le financement au forfait de la maladie rénale chronique (MRC) aux stades 4 et 5. Cette mesure a pour objectif d’améliorer le parcours de soins en permettant aux équipes concernées de proposer une prise en charge coordonnée comprenant notamment des consultations spécialisées, des interventions et actes assurés par des professionnels non médicaux (paramédicaux, socioéducatifs, …), ainsi que des actes médicaux non techniques concernant la maladie rénale.
En effet, la MRC relève d’une prise en charge pluriprofessionnelle dont la coordination et la planification sont nécessaires pour en ralentir la progression. Mais les améliorations sont encore insuffisantes en la matière, les modalités d’entrée dans la suppléance restant en grande partie inchangées et souvent non programmées. La mise en place de la forfaitisation des parcours dans la MRC changera-t-elle la donne ? Afin de le savoir, un état des lieux du parcours actuel des patients est nécessaire. Aussi, le groupe d’étude de la cohorte française CKD-REIN (Chronic Kidney Disease-Renal Epidemiology and Information Network) a conduit une analyse à partir des données recueillies entre 2013 et 2019 auprès de 2.835 patients.
Intensification insuffisante avec la sévérité
L’étude dresse ainsi plusieurs constats : le premier montre que seulement 84%, 63% et 33% des patients des stades 3B, 4 et 5 respectivement répondent aux recommandations de suivi préconisées par la Haute autorité de santé (HAS), à savoir a minima 1 consultation annuelle de néphrologie au stade 3B, puis 2 par an au stade 4 et 4 par an au stade 5. Les sujets les plus jeunes ou ayant certaines comorbidités avaient également un taux moyen de consultation un peu plus élevé que les autres.
Cette étude montre aussi que ce nombre moyen de consultations est inférieur lorsque le délai d’attente pour une consultation est plus long, suggérant un probable phénomène de saturation de certains services. Par ailleurs, l’intensification de suivi (néphrologique ou diététique) n’est pas observée à mesure que la MRC progresse.
Ceci est à mettre en parallèle avec le second constat : celui d’une intensification de suivi en deça des recommandations. En effet, comme le soulignent les auteurs, l’« augmentation de la fréquence avec le stade [est] moins marquée pour les dosages que pour les visites, et [le] monitoring biologique [est] largement en deçà des recommandations.» Quant au suivi diététique, s’il n’a été mesuré qu’à partir du déclaratif patient, il semble également insuffisant, avec par exemple 60% des patients au stade 5 n’ayant pas eu de consultation diététique dans l’année.
Enfin, l’hétérogénéité attendue de la prise en charge en fonction des établissements est bien observée. Les établissements privés sont plus volontiers impliqués au niveau de la dialyse, les établissements publics dans le diagnostic et le traitement avant mise sous dialyse. Pour autant, les délais d’attente ou le temps médical accordé à chaque consultation semblent relativement comparables entre les deux.
Ce travail questionne « le temps des professionnels disponible pour les activités ambulatoires et l’organisation d’équipes multi-professionnelles dédiées au sein des établissements ». Il constitue un état des lieux initial qui devrait permettre d’ici quelques années de pouvoir évaluer dans quelle mesure la forfaitisation attendue fera évoluer le parcours de soins.