Vouloir contrôler ses apports alimentaires est une restriction cognitive qui concerne des personnes en surpoids, ou non. Une session des Entretiens de Nutrition de l'Institut Pasteur de Lille a abordé le sujet, et ses conséquences.
La restriction cognitive s’instaure progressivement, et peut débuter dès les premières années de vie, avec les messages sur les aliments réputés interdits ou ceux sur la minceur véhiculés par les proches ou les médias. Ainsi, alors que les personnes ont le sentiment de manger pour avoir une bonne santé, il apparaît à l’interrogatoire qu'il s’agit le plus souvent de souhaits de contrôler son poids. Or, vouloir contrôler mentalement ses apports énergétiques conduit à ne plus écouter ses signaux naturels de faim et de satiété, sur lesquels reposent physiologiquement la régulation homéostasique, ce qui favorise les variations ou prises de poids. Chez les personnes obèses, ces restrictions cognitives sont compliquées par une grossophobie internalisée.
Ainsi, une personne en restriction cognitive mange parce qu’elle a décidé de manger et s’arrête parce qu’elle a décidé de s’arrêter. Cette régulation exclusivement mentale ne lui permet pas forcément de manger moins mais est plus souvent accompagnée d’émotions négatives si elle a enfreint l’une des règles qui régit désormais sont comportement, comme la consommation d’un aliment hyperénergétique ou d’une quantité supérieure à celle qu’elle s’était fixée. En découle une culpabilité et un stress, qui retirent par ailleurs le bénéfice émitionnel que retire normalement un sujet cédant à une envie.
Une approche délicate de déconstruction
Les conseils qui sont apportés - manger lentement, faire attention à ses sensations, déguster, être présent …-, bien que souvent pertinents, peuvent facilement devenir de nouvelles restrictions cognitives. Aussi, des approches conduites sur la base de méditation de pleine conscience ou de thérapie d’acceptation et d’engagement peuvent être intéressantes pour en rompre le cercle vicieux. Les approches de psychoéducation, qui peuvent aider les patients à se reconnecter avec leurs sensations alimentaires, sont aussi pertinentes. Le travail doit être souvent expérientiel car tenter de convaincre ne marche pas le plus souvent : il s’agit par exemple de réexpérimenter des aliments tabous, dans un cadre défini et préparé pour limiter l’inquiétude du patient autour d’une perte de contrôle.
L’enjeu de l’accompagnement est d’apprendre de repérer sa faim, la distinguer des autres sensations ou émotions, mais aussi d’accepter les écarts de comportement par rapport aux règles que ces patients se sont édictés. L’acceptation de ne pas réussir à se contrôler, d’avoir des envies émotionnelles de manger, réduisent l’impact stressant et culpabilisant de ces moments et limitent la détresse qui en découle. Enfin, un travail d’acceptation doit aussi être engagé autour de l’acceptation de son corps et du deuil du corps parfait.