Deux cancers oubliés parmi ceux liés à l’amiante

Rédigé le Samedi 24 Juin 2023 à 19:49 |



Classé cancérogène en 1977, mais interdit seulement en 1997, l’amiante est responsable de cancers bronchopulmonaires et de mésothéliomes reconnus comme maladies professionnelles. Ces données sont largement connues aujourd’hui du public et des professionnels de santé. En revanche, il est beaucoup moins su, même par ces derniers, qu’il peut également être à l’origine de cancers du larynx et de l’ovaire. Sur le site The Conversation, Alexandra Papadopoulos, épidémiologiste à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), en explique les raisons1.

Pour mémoire, l’amiante est un terme générique désignant six minéraux naturels de type silicates hydratés (de magnésium et de fer), fibreux, répartis en deux groupes distincts par leurs propriétés physiques et chimiques : les serpentines (aux fibres longues, flexibles et recourbées) et les amphiboles (aux fibres droites, raides et en général cassantes). Les atouts physiques de l’amiante sont à l’origine de son utilisation dans différentes activités industrielles : faible conductivité électrique et thermique, bonne stabilité chimique, durabilité, forte résistance à la traction, flexibilité, etc. Malgré son interdiction, l’amiante persiste dans de nombreux matériaux présents dans notre environnement (bâtiments anciens, murs, sols avec des dalles en vinyle-amiante, déchets, etc) qui font courir un risque d’exposition à ceux qui sont à leur contact.

Pour la reconnaissance en maladies professionnelles

Les secteurs professionnels les plus documentés sont le BTP (bâtiments et travaux publics), la métallurgie et la construction automobile. Ils emploient majoritairement des hommes. Mais il en existe de nombreux autres, pour lesquels l’impact de l’exposition à l’amiante est moins bien connu parce que moins étudié : administration, entretien, enseignement, santé, textile, etc. Ces secteurs emploient principalement des femmes.

Un important travail fourni par l’Anses, sur la base d’une étude du CIRC (Centre international de recherche sur le cancer) a montré que l’exposition aux fibres d’amiante participe à un risque accru de cancer de l’ovaire ou du larynx. Le risque professionnel de cancer de l’ovaire est très peu connu des professionnels de santé. Quant au cancer du larynx, les médecins le lient plus volontiers aux consommations de tabac et d’alcool, en sous-estimant l’exposition aux fibres d’amiante.

Les auteurs du travail de l’Anses « plaident en faveur de la création de tableaux de maladies professionnelles permettant de faciliter la reconnaissance de ces cancers en maladies professionnelles et ainsi, l’indemnisation des malades ou des ayants droit. » Ces tableaux permettraient de faciliter les démarches en vue de cette reconnaissance et d’informer les médecins, ainsi que les travailleurs et travailleuses exposées.

 

L’enjeu est important. Les maladies liées à l’amiante sont la deuxième cause de maladies professionnelles et la première cause de décès liés au travail, hors accidents du travail2. Le Haut Conseil de la Santé publique a estimé que d’ici 2050, le nombre de décès par cancer du poumon dus à l’amiante serait de 50.000 à 75.000 et celui de décès par mésothéliome de 18.000 à 25.000. Ces chiffres n’intègrent pas la mortalité due aux cancers du larynx et de l’ovaire liés à l’exposition aux fibres d’amiante.