COVID-19 : le cerveau des enfants en danger

Rédigé le Jeudi 27 Janvier 2022 à 09:53 |



Les nouveau-nés les plus âgés de la génération Covid ont aujourd’hui près de 700 jours. Si “tout” se joue durant les 1.000 premiers jours, on peut se poser la question de la façon dont les périodes d’isolement, le manque d’interactions avec les pairs, le port du masque dans l’entourage et même le stress ressenti au cours de la période prénatale pourraient jouer un rôle significatif sur les capacités cognitives ou le développement neurodéveloppemental des nourrissons. Différentes études sur le sujet ont été rassemblées dans un article d’actualité publié par Nature. S’il pose un certain nombre de questions, il souligne aussi les limites de ces travaux et rappelle l’incroyable adaptabilité et plasticité cérébrale des enfants, deux facteurs qui permettent à beaucoup d’experts d’espérer un rattrapage… pour la plus grande majorité des enfants.
Le stress prénatal visible à l’imagerie
Ainsi, le JAMA Pediatrics [1] a publié une étude de cohorte portant sur 255 nourrissons nés entre mars et décembre 2020 afin d’évaluer si l'infection maternelle par le SARS-CoV-2 pouvait conduire à des modifications du neurodéveloppement des enfants mesuré à l'âge de 6 mois. Si aucune influence du statut infectieux n’a été observé concernant la compétence motrice fine, globale, ou les compétences relatives à la sociabilité, ces scores étaient inférieurs chez cette cohorte à une autre de même âge, qui avait été évaluée avant le début de la pandémie de COVID-19. La période, qui a pu être vécue comme stressante par les mères durant la grossesse, pourrait avoir influé sur le neurodéveloppement de l’enfant à naître.
Une autre étude [2, publiée sur MedRXiv] va en ce sens : elle a interrogé plus de 8.000 femmes enceintes canadiennes pendant la pandémie et a montré que les nouveau-nés dont les mères avaient déclaré des symptômes d'anxiété ou de dépression durant la grossesse avaient des spécificités à l’imagerie avec une connectivité différente au niveau de l’amygdale et du cortex préfrontal, des régions impliquées dans le traitement des émotions et des fonctions exécutives respectivement. Et des chercheurs italiens [3] ont aussi mis en avant une moindre capacité d’attention aux stimuli sociaux chez les nouveau-nés âgés de trois mois lorsque leur mère avat déclaré plus de stress et d’anxiété durant la grossesse au cours de la pandémie.
Le stress durant la grossesse pourrait avoir un effet négatif sur le développement du cerveau des enfants. Mais d’autres facteurs pourraient s’y associer : la réduction des interactions avec les pairs, et aussi avec les parents ou les personnes en charge de l'enfant, du fait du stress et de l’indisponibilité de ces derniers, pourraient aussi avoir affecté les capacités psychiques de ces enfants. Plusieurs études menées dans différentes régions du globe ont d’ailleurs relevé une baisse des capacités d’apprentissage et des scores de QI chez les enfants de moins de 3 ans depuis le début de la pandémie. Viendraient aussi se surajouter un manque d'interactions sociales, pouvant favoriser la diminution de la vitesse d’acquisition du langage, ou une réduction de la motricité globale liée aux confinements. Les disparités sociales et économiques accentueraient ce risque.
Une plasticité à toute épreuve ?
Tout ne serait cependant pas aussi sombre, car les capacités d’adaptation des enfants et leur plasticité cérébrale pourraient leur permettre de rattraper le retard, dès lors qu’un fonctionnement normal est rétabli, riche d’interactions et d’apprentissages. Cette caractéristique propre au jeune enfant a été décrite dans d’autres contextes : citons, par exemple, celui d’enfants australiens nés de parents ayant vécu une période d’inondations en 2011 : s’ils avaient des troubles en matière de résolution de problèmes et de compétences sociales à l’âge de 6 mois par rapport à des enfants dont les parents n’avaient pas vécu cette période stressante, ces différences étaient estompées à l’âge de 30 mois.
Si le stress affecte bien le cerveau des enfants, la question du maintien de ces troubles reste débattue. D’autant qu’il existerait un certain nombre de biais liés aux études menées en contexte pandémique : biais de sélection (les familles ayant fait l'effort de participer aux études étaient celles qui s’interrogeaient déjà sur d’éventuelles troubles chez leur enfant), biais d’interprétation (les scientifiques étant plus volontiers à la recherche de troubles). Pour autant, la reprise d’une vie familiale, scolaire et sociale habituelle constitue sans aucun doute le meilleur moyen pour aider tous les enfants à reprendre le chemin d’un développement neurodéveloppemental courant.