Antipsychotiques in utero : la sécurité de l’aripiprazole en question

Rédigé le Mardi 5 Avril 2022 à 13:54 |



À retenir
·       Selon une étude de cohorte de naissance menée à partir de deux bases de données américaines et rassemblant plus de 3,4 millions d'enfants suivis durant 14 ans, un sur-risque de troubles neurodéveloppementaux existerait lorsque des enfants sont exposés à des antipsychotiques durant la seconde moitié de la grossesse, mais il ne serait plus significatif après ajustement sur de multiples facteurs pouvant influencer le pronostic de l’enfant, hormis pour l’aripiprazole.
·       Concernant l’aripiprazole, aucune cause n’a pu être suspectée à partir des analyses post hoc et aucune causalité n’est démontrée à travers ce travail. Des études complémentaires seraient donc nécessaires.
Pourquoi est-ce important ?
Les médicaments antipsychotiques sont lipophiles et peuvent donc traverser le placenta. Les données animales suggèrent de potentielles propriétés neurotoxiques, mais les données sur la tératogénicité neurodéveloppementale chez l'homme restent peu nombreuses. Pour cela il faut disposer d’études longitudinales menées à long terme depuis l'exposition in utero aux antipsychotiques et le diagnostic des troubles neurodéveloppementaux (TND) durant l’enfance, et de plus compliquées par les nombreux facteurs de confusion potentiels. Cette large étude épidémiologique menée sur un suivi de 14 ans propose d'évaluer l'association entre l'exposition in utero aux antipsychotiques et les TND en intégrant de multiples facteurs de confusion.
Ces résultats sont utiles pour mieux évaluer le rapport bénéfices - risques lors de la prise en charge des femmes enceintes ayant des troubles psychiatriques et de surveiller régulièrement le développement neurologique de leurs enfants.
Méthodologie
Deux bases ont pu être utilisées dans cette étude (Medicaid Analytic eXtract ou MAX 2000-2014 et MarketScan 2003-2015).
Les auteurs ont analysé deux périodes d’exposition : d’abord la seconde moitié de grossesse (>18 semaines), correspondant à la période de synaptogenèse, puis la première moitié dans le cadre des analyses secondaires, étant donné l'incertitude concernant les potentiels mécanismes impliqués. Les enfants étaient considérés comme exposés si leur mère avait eu une prescription de médicament antipsychotique durant la période considérée.
Les troubles neurodégénératifs recherchés au cours du suivi étaient ceux les plus fréquemment diagnostiqués aux États-Unis, à savoir : troubles du spectre autistique, troubles de l’attention /hyperactivité, troubles de l'apprentissage, troubles du développement du langage ou de la parole, troubles de la coordination du développement, déficience intellectuelle, troubles du comportement, de la conduite et des émotions.
Principaux résultats
Au total, respectivement 2.034.883 et 1.306.408 enfants des cohortes MAX et MarketScan non exposés pendant la période prénatale ont été comparés à 9.551 et 1.221 enfants, respectivement. La majorité de ces expositions concernait des antipsychotiques atypiques (environ 90% dans les deux cohortes et les deux périodes d'évaluation), avec principalement la quétiapine (40% environ) puis l'aripiprazole (16-23%).
À l'âge de 8 ans, les données de la base MAX montrent que l’incidence cumulée d’enfants ayant un diagnostic de TND était de 37,3% pour ceux qui ont été exposés pendant la deuxième moitié de la grossesse, contre 23,7% pour ceux ne l’ayant pas été. Selon la base MarketScan, ils étaient de 24,5% contre 11,0% respectivement. Le risque de TND n’augmentait pas significativement après ajustement (HR non ajusté 1,91 [1,79-2,03] vs HR ajusté 1,08 [1,01-1,17]), hormis pour l'aripiprazole (1,36 [1,14-1,63]). Les analyses de sensibilité et en sous-groupe n’ont pas modifié les conclusions.
Chez les enfants des mères sous aripiprazole au cours de la deuxième moitié de la grossesse, les risques existaient surtout pour les troubles du langage et de la parole et les troubles du comportement. Un sur-risque a aussi été observé en cas d'exposition au cours de la première moitié de la grossesse.